Entrevue carrière avec Nicolas Chapados, Ph. D., CFA, Cofondateur et chef scientifique, Element AI Inc.
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Récemment, Element AI, une société d’intelligence artificielle (IA) qui transforme la recherche sur l’IA à la fine pointe en solutions évolutives qui rendent les entreprises plus sécuritaires, plus fortes et plus souples, a fait les manchettes en poursuivant son expansion mondiale avec l’ouverture officielle de son deuxième bureau canadien à Toronto. Ce cinquième bureau s’ajoute à ceux de Londres, de la Corée du Sud, de Singapour et de son siège social à Montréal. CFA Montréal a eu le privilège de s’asseoir avec un des cofondateurs d’Element AI, Nicolas Chapados, pour établir un parallèle entre ses travaux et le secteur du placement. Nicolas détient un baccalauréat en ingénierie informatique de l’Université McGill ainsi qu’une maîtrise et un doctorat en informatique de l’Université de Montréal. Il a obtenu son titre CFA en 2010, un an après avoir terminé son doctorat. Il est cofondateur de 4 sociétés : ApSTAT Technologies Inc qu'il a co-fondé en 2001 avec son directeur de thèse Yoshua Bengio et plus récemment, Chapados Couture Capital Inc., Imagia INc et Element AI. Il détient de multiples brevets, a rédigé plusieurs publications et a eu un impact important sur de multiples industries au cours de sa carrière professionnelle. |
Quand avez-vous commencé votre carrière, et quel a été votre premier emploi? Quelles fonctions espériez-vous exercer?
J’ai commencé ma carrière comme chef de projet pour ReadySoft Inc. où je codais et corrigeais des jeux vidéo. Je ne le savais pas à l’époque, mais l’expérience acquise dans le cadre de cet emploi m’a aidée chez Nortel lorsque j'ai rejoint l'équipe de recherche sur la reconnaissance vocale après l'obtention de mon diplôme du Baccalauréat. J’étais le membre de l’équipe le moins qualifié du point de vue académique, car je n’avais qu’un « baccalauréat » en informatique. Cependant, mes aptitudes pour la programmation se sont avérées utiles pour la création du logiciel de reconnaissance vocale et les systèmes de gestion des conversations à la fine pointe sur lequel nous travaillions. Vous pourriez être surpris de l’apprendre, mais la technologie derrière le logiciel Alexa d’Amazon était déjà en cours de développement à la fin des années 1990 chez Nortel et certains des aspects techniques clés encore utilisés aujourd'hui ont été brevetés par notre groupe.
Avez-vous suivi un plan de carrière particulier? Combien de fois avez-vous changé d’employeurs ou de postes dans la même entreprise? Quelle était la principale raison justifiant ces changements?
J'aime la variété et résoudre des problèmes compliqués, les entreprises que j'ai co-fondées répondent à ces intérêts. J’ai notamment travaillé sur l’utilisation des réseaux neuronaux pour mieux établir le prix des polices d’assurance automobile, des algorithmes pour des échanges plus rentables, de l’intelligence artificielle pour détecter et diagnostiquer un cancer sur des scans corporels ou des algorithmes pour créer les cédules optimales pour les centres d'appel.
Parlez-nous davantage du poste que vous occupez actuellement. Avez-vous surmonté des obstacles majeurs dans votre cheminement de carrière? Qu’est-ce que vous aimez le plus dans votre travail?
Je suis depuis peu cofondateur et chef scientifique d’Element AI. Notre mission consiste à aider à transformer les entreprises afin qu’elles puissent bénéficier de l’intelligence artificielle dans l’ensemble de leur organisation.
En ce qui concerne les défis rencontrés, j'ai déjà vécu une situation où nous étions trop avant-gardistes lorsque nous avons voulu introduire des modèles avancés d'estimation de risques basés sur les réseaux neuronaux dans l'industrie de l'assurance de dommages. À l’époque, le marché n’était tout simplement pas prêt pour ces solutions. L’intérêt pour notre domaine d'une perpective d'affaires a réellement commencé en 2014 et a augmenté de façon spectaculaire depuis ce temps. En juin 2017, Element AI a battu le record pour le financement de série A d'une jeune pousse dans le domaine de l'intelligence artificielle. Nous avons réuni 102 millions de dollars. Un autre signe de changement à l’époque : le co-investissement de NVidia et d’Intel dans notre société malgré le fait qu’elles étaient en concurrence et qu’elles ne co-investissaient généralement pas dans des entreprises. D'autres joueurs clés tels que Microsoft et Tencent ont aussi sauté dans l’arène.
Selon vous, de quelles aptitudes une personne a-t-elle besoin pour réussir dans votre domaine d’expertise? Quel type d’impact le titre CFA® a-t-il eu sur votre cheminement de carrière?
Vous n’avez pas à obtenir un doctorat en informatique comme je l’ai fait en plus d’avoir le titre CFA. Cependant, il est important que vous ayez une bonne compréhension des technologies qui sont déployées et de la façon de les utiliser.
Pour moi, lorsque nous traitons avec des professionnels du placement, le titre CFA représente une carte de visite. Le fait d’avoir ce titre me donne une crédibilité automatique et me permet d’aller droit au but, car je comprends que tous les participants ont les connaissances nécessaires.
Comment voyez-vous les possibilités de carrière dans votre secteur? Quelles recommandations feriez-vous à quelqu’un qui commence dans ce domaine?
L’intelligence artificielle, l’apprentissage machine, les réseaux neuronaux, etc. sont les thèmes du 21e siècle tout comme l’a été l’électricité au 20e siècle.
Pourquoi Ford a-t-il été capable de surpasser ses concurrents? Parce qu’il a été le premier à doter ses chaînes de production d’électricité. La même idée s’applique à ce que nous faisons: l'intelligence artificielle est en train de devenir une nouvelle plateforme technologique. Il est important de reconnaître et de comprendre le bouleversement qui s’installe ainsi que ses conséquences qui touchent toutes les facettes de l'économie et au final de la vie humaine.
Selon vous, jusqu’à quel point le secteur du placement sera-t-il ébranlé ou transformé par l’essor de l’intelligence artificielle au cours de la prochaine décennie?
Je n’ai pas de boule de cristal, mais je peux vous donner une idée du type de choses que nous pouvons espérer voir au cours des deux prochaines années.
Il y a deux grandes écoles de pensée dans le monde du placement; les investisseurs axés sur les valeurs quantitatives et les investisseurs axés sur les valeurs fondamentales. Pour ceux qui sont axés sur les valeurs quantitatives, le fait de tirer parti des technologies dont nous avons discuté signifie qu’ils obtiendront de meilleurs modèles, des opérations automatisées basées sur l’apprentissage par le renforcement et l’apprentissage approfondi qui atténue la surinterprétation. Pour les investisseurs axés sur les valeurs fondamentales, si vous croyez que les humains achèteront toujours de la « valeur », vous pouvez utiliser l’IA pour améliorer vos critères de sélection.
Pour les analystes d’actions par exemple, les technologies qui sont développées peuvent lire automatiquement les centaines de rapports qu’elles reçoivent quotidiennement, en comprendre la sémantique - et ce bien au-delà de la simple reconniassance des mots clés - pour en arriver à diriger l'analyse vers une conclusion globale. Ensuite, il s’agit simplement pour le système de comparer les conclusions générales pour toutes les actions en question aux évaluations de l’analyste et à signaler les écarts. Ainsi, les analystes peuvent concentrer leur attention sur ce qui est important et utiliser leurs compétences pour des activités à plus haute valeur ajoutée plutôt que pour lire et filtrer des rapports.
De plus, étant donné que les technologies sont si transformatrices et essentielles pour la survie, je soupçonne que les stratégies d’IA et d’apprentissage par machine devraient s’inscrire comme principal point à l’agenda lors des appels-conférences avec la direction d’une entreprise.
Il est important de noter que le programme de CFA, plus précisément les différents modèles d’évaluation et les répartitions statistiques, nous donne toutes les connaissances de base qui sont requises pour commencer à penser aux solutions en ce sens.